Une proposition artistique pour la Biennale de Arras en 2024
Le déplacement à pied comme inspiration
Depuis toujours, la marche est pour moi une source d’inspiration et de découverte. Se déplacer à pied nous permet de nous immerger dans le paysage et d’appréhender le territoire dans sa réalité.
La marche offre une expérience sensorielle unique, qui permet de ressentir les textures du sol, les odeurs et les sons.
La marche est également une manière de s’opposer à la vitesse et à la consommation qui caractérisent notre société contemporaine. En prenant le temps de marcher, on refuse de se laisser submerger par le rythme effréné de la vie quotidienne, et on s’offre un moment de répit. C’est aussi une manière de se réapproprier le temps, en le vivant différemment.
En tant qu’artiste, j’organise des marches collectives, souvent dans la périphérie, aux abords des autoroutes. Dans ces marches en groupe, j’aime porter mon attention sur les autres qui marchent autour de moi.
Les marches collectives sont des moments privilégiés pour être en contact avec les autres. Lorsque l’on se déplace en groupe, on peut facilement se laisser porter par le mouvement. Les pas des autres nous guident et nous incitent à regarder différemment notre environnement.
On peut remarquer des choses que l’on aurait peut-être manquées en marchant seul. Ensemble, on s’arrête sur des détails: des nuances de couleurs, aux textures et aux incidences des constructions sur le paysage.
Les petits détours
Autant dans la flânerie urbaine, dans la randonnée ou les marches collectives, je prête mon attention aux pas de l’autre. Quelque chose m’intrigue dans le déplacement. “Où va se poser le prochain pas ?” C’est quelque chose au fond de moi que je n’arrive pas forcément à nommer, comme une évidence insaisissable.
Et il y a eu cet événement, anodin, presque invisible:
Je me promenais dans les rues de Marseille, observant les gens qui se déplaçaient autour de moi. Soudain, j’ai remarqué une personne devant moi qui avait décidé de faire un léger détour et marchait sur le square qui entourait un grand arbre. Cette action apparemment insignifiante a eu sur moi l’effet d’une révélation.
C’est alors que j’ai compris l’importance des petits détours, de ces choix qui peuvent sembler anodins mais qui transforment la marche en une expérience ludique et créative. N’importe quel déplacement, même banal et quotidien, peut être vécu pleinement comme une expérience unique. Et ce sont toujours les éléments du territoire et les autres personnes qui peuvent nous inspirer.
partage des petits détours
J’aimerais que ces petits détours puissent être partagés. C’est pour moi une nouvelle manière de se déplacer. On prend le temps d’observer les autres, notre environnement et on prend le temps de faire des détours afin d’ouvrir des nouveaux paysages.
Pour la biennal d’Art d’Arras, j’aimerais proposer des déplacements dans la ville en groupe: entre 10 et 15 personnes.
Il s’agira de marcher ensemble, de s’observer les uns et les autres et d’emprunter les détours des autres personnes autour de nous.
Le but est de partager notre subjectivité, notre manière singulière de parcourir l’espace, avec les autres.
Au début, je guiderai la marche en faisant des propositions de détours sur un trajet que j’aurai préparé un amont. Ce premier parcours sera une invitation à appréhender l’espace urbain de manière singulière. Par la suite, d’autres participant.e.s pourront guider les autres et proposer d’autres détours. On se laissera guider par ces nouvelles écritures, on marchera dans le pas des autres.
On pourra imaginer de nombreux parcours dans la ville d’Arras. On pourra même refaire le même parcours en imaginant d’autres détours.
L’important est de se laisser guider par ses sens et de découvrir ensemble de nouveaux espaces inattendus.
Les petits détours peuvent être multiples : monter sur un muret, changer de trottoir, contourner un obstacle, passer sous un arbre, Ils sont comme des jeux qu’on expérimente avec l’espace public. C’est une manière de se réapproprier l’espace urbain. Nous prendrons le temps de marcher lentement, d’observer l’autre en train de marcher, d’observer où il pose ses pieds. Chaque détournement est une manière de découvrir l’espace différemment, de faire l’expérience d’un autre point de vue.
Cette manière de déplacer à pied avec la création d’itinéraires alternatifs est une invitation à la découverte. En partageant les petits détours, nous pouvons découvrir ensemble une ville ou un quartier sous un nouveau jour, en expérimentant avec l’espace public. Cette marche est une manière de renouveler notre regard sur le monde qui nous entoure, en explorant l’espace sur le pas des autres.
Documentation
Cette proposition artistique est de l’ordre de la performance. Chaque déplacement sera unique et original. Il n’y aura pas la possibilité de reproduire des déplacements identiques.
Je tenterai de saisir ces différences infimes avec une caméra. J’essaierai d’enregistrer ces petits détours comme des propositions de déplacement. Je pourrai enregistrer les pas des uns et des autres qui se suivent, le frôlement d’un buisson et le son des pas dans une flaque d’eau par exemple.
Ainsi, je pourrai partager ces impressions du déplacement comme de fragiles propositions éphémères. Ces vidéos donneront à voir des moindres gestes, des pas sensibles qui pourront inspirer d’autres et inviter à cette déambulation urbaine.
Pour vous donner un exemple, je me suis déplacé avec une personne de mon entourage. On a fait ensemble des propositions de déplacement sur un trajet totalement banal “en bas de chez nous”.
Cette vidéo donne à voir une manière de se déplacer singulière. On s’amuse avec les éléments de l’espace public, et on prête notre attention aux pas de l’autre et on s’implique complètement dans notre environnement.
On peut voir différentes manière de faire des détours dans l’espace urbain.
- marcher sur des lignes
- enjamber des murets
- marcher aux abords des immeubles
- Pénétrer des cours d’immeuble
- Frôler des éléments avec ses mains
- Faire de la balançoire dans un parc
- Tester des textures de sol différentes
- Croiser des fontaines
- Emprunter des escaliers
- Descendre vers la rivière
Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive. Il y a pleins d’autres façons de faire des détours.
Ces possibilités multiples font parti de cette manière de déplacer en prêtant toute notre attention sur les pas des autres et les singularités de l’environnement urbain.
À chaque déplacement, les possibilités vont s’étendre. La ville va devenir un immense terrain de jeu.
C’est une invitation à prendre le temps pour se déplacer, à découvrir sa propre ville sous un autre aspect. Le déplacement à pied est une source d’inspiration inépuisable.