La marche est aussi un de nos derniers espaces intimes
Francis Alÿs
un geste
Il y a le geste pictural ou le geste cinématographique et il y a le geste de celui ou celle qui marche.
Ici la surface n’est pas la toile ou l’écran mais le territoire dans son étendue. Marcher c’est tracer des lignes dans le paysage. Quand on marche, on engendre des rythmes: il y a des continuités et des ruptures. On passe d’un point de vue à un autre, on passe par des ambiances variées, on éprouve le territoire dans sa réalité.
dans le paysage
Quand on marche on peut aller partout. La marche est un outil de perception. On voit jamais le monde aussi bien que quand on marche. Nous sommes à même le monde, inclus dans celui-ci.
Ce n’est pas un regard sur le monde depuis l’extérieur mais on regarde tout en engageant le corps. Quand je marche, le monde ne m’apparaît pas à travers sa représentation mais à travers son étendue. Je ne regarde pas le paysage, je suis dans le paysage.
une invitation
Marcher c’est une invitation. C’est la possibilité d’inclure le public dans le processus même de création. On peut marcher à plusieurs. Ainsi, on change encore la manière de marcher et de percevoir le monde.
Celles et ceux qui marchent ensemble font corps à travers le territoire. On se regarde et on parle. Le territoire devient un support à l’échange. Marcher fait émerger un nouveau rapport à l’autre.
Autant d’hommes, autant de démarches
Balzac
marcher c’est proposer
En marchant, on prépare des itinéraires. On ne suit pas forcément des sentiers, on ne suit pas forcément des plans. On se laisse parfois porter par des lignes, des incidences et des rencontres. Le chemin émerge dans l’acte même de marcher.
Ainsi, marcher c’est proposer de nouveaux chemins, d’autres manières de pratiquer le territoire. On sort des sentiers battus pour (re)découvrir le monde.
Le parcours est une œuvre ouverte, protéiforme, multi-dimensionnelle, interactive, jamais terminée à l’image des territoires et du monde qu’elle décrit, un laboratoire permanent où s’écrit la science du flou.
Démarches
La marche ouvre à la sensation du monde, elle en est une expérience pleine laissant à l’homme l’initiative. Elle ne privilégie pas le seul regard à la différence du train ou de la voiture qui instruisent la passivité du corps et l’éloignement du monde. On marche pour rien, pour le plaisir de goûter le temps qui passe, faire un détour d’existence pour mieux se retrouver au bout du chemin, découvrir des lieux et des visages inconnus, partager un moment avec les autres, élargir sa connaissance par corps d’un monde inépuisable de sens et de sensorialités ou parce que la route est là. La marche est une méthode tranquille de réenchantement de la durée et de l’espace. “
David Le Breton